Le Conseil de stabilité financière (FSB) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport publié début juin 2025, l’institution internationale avertit que les marchés financiers traditionnels – connus sous le nom de TradFi (Traditional Finance) – se rapprochent dangereusement d’un « point de bascule » face à l’essor incontrôlé des crypto-actifs. L’organisation, qui conseille le G20, appelle à une vigilance renforcée pour éviter des déséquilibres systémiques.
Ce signal fort reflète une tension croissante entre la finance traditionnelle et l’univers des cryptomonnaies, qui gagne en légitimité auprès des investisseurs particuliers, institutionnels, et même des États.
Un avertissement du FSB sur les risques systémiques
Dans son rapport, le FSB met en évidence la montée en puissance des actifs numériques, tels que le Bitcoin et l’Ethereum, qui s’intègrent de plus en plus aux marchés globaux. Selon l’organisme, la croissance rapide de l’écosystème crypto représente un risque pour la stabilité du système financier si elle reste mal encadrée.
Le FSB souligne notamment trois sources d’inquiétude :
- L’interconnexion accrue entre TradFi et crypto.
- La volatilité extrême des prix des actifs numériques.
- L’absence de normes mondiales claires, qui ouvre la voie à l’arbitrage réglementaire.
L’institution prévient que les défaillances d’acteurs majeurs du secteur crypto, comme cela a été observé en 2022-2023, peuvent désormais avoir des répercussions au sein même du système bancaire ou boursier traditionnel.
TradFi sous pression : un changement d’époque
Le monde de la finance classique – composé des banques, fonds d’investissement, assurances et places boursières – observe depuis plusieurs années l’émergence de solutions décentralisées, plus rapides, moins coûteuses et souvent plus accessibles. Ces technologies, incarnées par la blockchain, menacent les modèles traditionnels basés sur l’intermédiation.
Le mot TradFi lui-même est devenu une étiquette presque péjorative pour désigner des acteurs considérés comme dépassés ou rigides face à l’innovation numérique. De nombreux utilisateurs, en particulier les jeunes générations, préfèrent désormais les portefeuilles décentralisés, les applications DeFi ou les stablecoins aux services bancaires classiques.
L’évolution de TradFi face à la montée de la DeFi
Cependant, tout n’est pas noir ou blanc. De nombreux acteurs de la TradFi adaptent leur stratégie. BlackRock, Fidelity, JPMorgan ou encore BNP Paribas ont multiplié les initiatives autour des crypto-actifs : produits structurés, ETF crypto, infrastructures de garde, blockchain privée…
Ce rapprochement progressif entre TradFi et crypto a des avantages : il rassure les investisseurs institutionnels et attire des capitaux plus importants. Mais pour le FSB, cela rend aussi la frontière entre les deux univers plus floue, et donc plus risquée si une crise devait survenir dans l’un des deux écosystèmes.
TradFi vs DeFi : quelles différences fondamentales ?
Pour mieux comprendre le débat, il faut différencier la finance traditionnelle (TradFi) de la finance décentralisée (DeFi). Voici quelques grandes distinctions :
- Gouvernance : TradFi repose sur des institutions centralisées avec une régulation établie. DeFi fonctionne via des protocoles autonomes régis par des smart contracts.
- Accessibilité : ouvrir un compte bancaire implique des vérifications lourdes ; dans la DeFi, une simple adresse crypto suffit.
- Transparence : les systèmes TradFi sont opaques par défaut ; la DeFi est ouverte et vérifiable sur la blockchain.
- Rendement et risques : la DeFi offre des rendements attractifs mais souvent risqués ; la TradFi se veut plus stable.
Cette opposition idéologique alimente un débat mondial sur le futur de la finance et sur la meilleure manière d’assurer l’inclusion financière tout en maintenant la stabilité.
Les banques centrales et le rôle des MNBC
Face à la montée en puissance des cryptos, les banques centrales ont lancé leurs propres projets de monnaies numériques de banque centrale (MNBC). L’idée est de garder la main sur la politique monétaire tout en modernisant les systèmes de paiement.
La BCE, la FED ou encore la Banque du Japon étudient des modèles de MNBC qui pourraient coexister avec les stablecoins comme l’USDC ou l’USDT. Mais ces projets avancent lentement, laissant le champ libre à des initiatives privées.
Le FSB insiste pour que les États et les institutions internationales accélèrent leurs efforts de coordination afin d’éviter une fragmentation réglementaire nuisible à l’équilibre global.
Scénarios pour les années à venir
Le rapport du FSB évoque plusieurs scénarios de développement du secteur :
- Un scénario d’intégration, où TradFi et crypto convergent dans un cadre réglementé commun.
- Un scénario de clash, où une crise majeure dans la DeFi provoque une rupture de confiance.
- Un scénario de substitution, où des actifs numériques remplacent progressivement certains produits financiers classiques.
Chacun de ces scénarios dépendra de la vitesse d’adoption des crypto-actifs, de la qualité de la régulation internationale, et de la capacité des acteurs de la TradFi à se réinventer.
Quel impact sur les investisseurs particuliers ?
Pour les particuliers, cette transition est à la fois une opportunité et un défi. D’un côté, les crypto-actifs offrent des perspectives de gains, une meilleure accessibilité et de nouveaux services. De l’autre, ils nécessitent une éducation financière solide et une gestion des risques rigoureuse.
La recommandation du FSB est donc claire : les régulateurs doivent mieux encadrer l’accès des particuliers aux crypto-marchés, sans pour autant freiner l’innovation. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre protection et ouverture.
TradFi, DeFi et l’avenir du marché financier mondial
L’alerte lancée par le FSB n’est pas une condamnation de la crypto, mais plutôt une incitation à anticiper les mutations en cours. Le monde évolue rapidement, et la TradFi doit s’adapter ou risquer d’être dépassée par de nouveaux modèles.
De plus en plus d’analystes s’accordent à dire qu’un écosystème hybride pourrait émerger d’ici 2030, combinant les atouts de la finance traditionnelle (sécurité, solidité) et ceux de la DeFi (rapidité, transparence, accessibilité).
La réussite de cette transition reposera sur la coopération entre tous les acteurs, publics comme privés, pour construire une finance plus résiliente, inclusive et innovante.
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